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mardi 7 août 2007





Le colonel Floyd était venu nous voir
accompagné de son fidèle, le bien pensant caporal Clegg
nous clochards terrestres, errants du rien, célestes.
Un vieux matin d'étoiles avait surgi derrière une caisse à refrains
et s'était posé là, écoutant les sages paroles de l'officier.
_ Mes amis, jour grand pour vous, n'est-il pas vous le serez,
regardez plus atteints vous n'êtes, plus rien, c'est mes amis fini !

Le colonel s'était détaché d'une affiche gribouillée
plantée là sur un mur, depuis bien deux longues années.
Il avait eu le temps de nous voir le bougre
en pleine hallucination paranoïaque sur fond urbain.
Et par cette grande nuit qui ressemblait à une tempête d'étoiles
il en était sorti.

Pour nous il n'était rien d'autre qu'un pestiféré
un partisan de la guerre et de ses marches funèbres.
Mais bien des fois, nous trinquions à sa santé, car il gisait ici,
chez nous, dans un coin de rue sombre et éloignée.
A son arrivée, aucune bouteille n'a valsé sur sa poire,
nous nous sommes tous regardés,
nos clopes en sont tombées de nos lèvres
et nous n'avons pu le quitter des yeux,
lui et son caporal, qui au passage n'était plus sur l'affiche.

_ Allons n'ayez craintes, est venu le moment,
ici présent mon bon caporal, vient tout juste du haut conseil m'apporter l'autorisation, vous n'êtes plus ce que vous croyez être, et inutile de voulez-vous, remercier.
_ M'enfin de quoi parles-tu colonel, demanda Harry, le premier à se lever.
_ Et que nous veux-tu, continua Pierrot sa bouteille à la main.
(Il faut dire qu'Ici, nous avons tous pris l'habitude de le tutoyer sur son affiche, alors les vieilles coutumes sont dures à perdre..)

Tous les ivrognes du coin se sont joints à nous,
au bout de trois fois moins qu'un quart d'heure
nous étions une dizaine derrière le feu
reflétant nos ombres sur le mur et l'affiche
et le colonel nous répéta encore:
_ Vous ne serez jamais plus ce que vous pensiez être !
puis il disparut ou plutôt réapparut dans son affiche avec le caporal,
tous deux immobiles comme par le passé, comme si rien ne s'était passé.

C'est alors que pour la dernière fois, nous avons entendu la voix du colonel
comme transportée dans la nuit, au dessus de nos têtes,
nous en avons vu que la voie lactée et elle a résonné en nous pour toujours:
_ Frères d'armes, vous êtes tous, des frères d'armes.
Et c'est ainsi que jours après mois, minutes après heures
le contenu de chaque bouteille que nous absorbions était devenu de l'éjoispar
comme nous l'avons désormais appelé.
Ce n'était plus de l'alcool non, plus de poison pour nos vieux jours
mais un élixir de joie et d'espoir qui a fait de nous, pauvres rats,
des gens à part, métamorphosés, qui désormais, aimions vivre.
Certains sont allés retrouver leurs enfants, d'autres partis embrasser leur épouse, redonner signe à leur famille, retrouver du boulot et de nouveau, aimer la vie. Le sentiment de dégoût, la morosité, tout ça avait été effacé.

Ainsi dans un autre quartier, entre poubelles et détritus
au milieu de sans-abri, de pauvres gens du désespoir
l'affiche du colonel régnait à moitié déchirée
et était prête à présent, pour un énième signal du caporal Clegg.


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