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mardi 19 février 2008


L’homme ce matin là tombe de son lit, dans quelques minutes le réveil va sonner. L’homme reste allongé par terre, fixe intensément le plafond et y perd son regard.
Cette nuit, son rêve l’entraîne peu de temps avant l’accident, toujours guidé par une tasse de thé. Cette fois-ci, il n’est pas allé voir ses clients et fonce vers le lieu de travail de la femme.
L’homme s’arrête à 1 kilomètre de l’accident, descend de sa voiture et entre dans une cabine téléphonique en face de la boulangerie et du bar tabac sur cette même nationale.
L’homme décroche et compose un numéro. A l’autre bout, la femme lui répond. L’homme fixe la route, la femme doit passer par-là, la femme doit s’arrêter. Alors l’homme demande à la femme de stopper sa voiture et de le rejoindre quand elle aura atteint son niveau. L’homme raccroche, sort de la cabine et attend au bord de la route. L’homme attend toute la matinée, l’homme attend toujours et reste au bord de la route, l’homme se voit attendre, l’homme est maintenant au pied de son lit et l’homme quitte ses pensées, se lève, éteint le réveil et se prépare pour aller travailler.
L’homme au travail ne pense plus, l’homme au travail se dit qu’il perd son temps parce que l’homme au travail aimerait bien avancer dans ses rêves et faire quelque chose où il se sentirait exister. Mais l’homme suit le quotidien s’en broncher jusqu’au jour où il décide de quitter son emploi.
L’homme passe beaucoup de temps seul, il lit et boit du thé. Mais l’homme voit toujours la femme du petit magasin en bas de la rue voisine et c’est précisément ce mois-ci que la femme vient habiter chez lui. Tous deux boivent du thé, visionnent des programmes et veulent avoir un enfant. L’homme et la femme ensemble sont heureux.
Après quelques mois, l’homme retrouve un emploi, un emploi à mi-temps, un emploi où il doit écrire ce qu’il pense de, ce qu’il ferait à la place de, ce qu’il éviterait de faire à la place de, et puis il lui reste assez de temps pour écrire sur ses propres rêves. Alors une route se dessine, un chemin de souvenirs se glisse peu à peu sur le papier et prend forme, reprend vie et lui montre un parcours sans faille, sans incident majeur jusqu’à cette coupure nette, comme une crevasse sans fin au beau milieu de la route. La femme est une serrure, la tasse de thé est une clef.
L’homme pose son stylo sur la feuille, le stylo roule jusqu’en bas de cette feuille et devant la pointe se dresse une heure derrière une date, celle du jour de l’accident à exactement 8 :34. Les souvenirs sont exacts.
Il est 15 :23 quand l’homme ce jour là rentre précipitamment chez lui, se dirige à la cuisine et se prépare une tasse de thé.
Il est précisément 15 :28 quand l’homme ayant fini son thé se prépare à lancer la tasse par la fenêtre de son bureau. Une minute de plus et l’homme visionne le programme, l’homme est dans le programme, l’homme est le programme. Sur le canapé du salon l’homme endormi donne l’impression de rêver, mais l’homme est dans une double vie, l’homme en ce moment interfère avec ce deuxième temps.
L’homme revient alors à cette matinée peuplée de doutes et d’inquiétudes.
Il est 6 :20 ce matin quand l’homme se réveille, 6 :20 est l’heure où il se lève pour aller à son ancien travail, 6 :20 où l’homme aperçoit son ancienne femme dormir à ses côtés.
Il est 6 :20 du matin quand l’homme a l’impression que tout a été effacé, que tout n’était qu’un mauvais rêve, alors l’homme se blottit contre la femme et reste à ses côtés.
Il est 7 :15 quand la femme se réveille et trois secondes de plus quand elle sort un bras de sous sa couverture pour éteindre le réveil. La femme n’a pas vu l’homme.
Il est 7 :18 quand elle se lève, qu’elle entre dans la salle de bain, s’enferme et allume le chauffage. La femme ne voit pas l’homme, la femme ne sent pas l'homme et ne l'entend pas, l’homme à cet instant n’existe pas. Alors l’homme se souvient de l’heure de l’accident, et ne sait pas s’il doit rester lui-même ou aller se servir une tasse de thé. L’homme réfléchit. Puis il passe par le garage, se saisit de sa boite à outil et met hors d’état de marche la voiture de la femme.
Il est 7 :51 quand l’homme aperçoit une tasse de thé faire plusieurs fois le tour de la maison, une minute de plus quand la femme en sort, se dirige vers la voiture, démarre et s’en va.
L’homme comprend qu’il vient de saboter la voiture de la femme dans le présent et non dans le passé. L’homme suit alors la femme et se demande par quel moyen il pourra bien l’arrêter et empêcher l’accident.


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