5002
Espace dimensionnel - Space Fictions + Photos
Design, textes et photos eipho

mardi 4 mars 2008


C’est, le cœur palpitant et les larmes aux yeux que Sabin et sa sœur Théoduline tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Sur ordre de maître Uobih, Zytoquette, la pendule contoise (que l’on avait oubliée) s’arrêta pour laisser l’instant vivre le moment nécessaire à ces embrassades et tous les petits locataires, cachés derrière les rideaux du rez-de-chaussée comme du premier, contemplèrent la scène avec ravissement.

Après avoir franchi le perron, Sabin Lambronnn fut chaleureusement présenté à toute la famille.
Un homme de taille modeste au teint roux avec de longs favoris, un air brave et humble, des traits agréablement joviaux et une nette ressemblance avec sa sœur, voilà comment tout ce petit monde perçut ce nouvel arrivant. Sabin était habillé d’un pantalon de toile vert foncé s’arrêtant au-dessus des chevilles, laissant apercevoir de larges pieds nus dans des mocassins flambants neufs. Il portait une belle chemise de soie au col volontairement relevé au-dessus de laquelle se trouvait un petit gilet à poches et, n’oublions pas le chapeau en feutre noir qu’il avait poliment ôté avant d’entrer dans les lieux.
Deux grosses valises marrons étaient déposées dans le vestibule. Un liseré rouge en faisait le tour et une grosse étiquette blanche signalait à qui savait lire, les noms et adresses de son propriétaire.
« Sabin Lambronnn, Cymbaline Street, Rochester, Minnesota »

S’étant fabriqué une petite scène de concert au bas de la cheminée, Margoulin et Anounoutte avaient entamé plusieurs airs entraînants dont le très célèbre « Fly fly my pretty friend » ou bien encore
« You’re beautiful when you dream ». Elles furent récompensées par de nombreux applaudissements, burent plus que de raison et semblèrent infatigables. Même quelques hirondelles, attirées par la mélodie, étaient venues se poser sur le rebord des fenêtres. Elles les accompagnaient de leurs chants angéliques et l’une d’elle, qui semblait siffler faux, fut vite la risée de ses congénères, mais elle continua de plus belle et les autres suivirent.

Zytoquette sonna midi. Il était grand temps de passer à table. Nos cuisinières avaient réellement mis les bouchées doubles en proposant un menu des plus alléchants :
Potage de chenilles à barbe, accompagné de croûtons de pain dorés au miel, suivi d’un fricassé de coléoptères mousseux et d’un plat d’algues frit à l’échalote sauvage. Le tout agrémenté de cidre dur, en forme de carré de sucre et pour finir le repas, venait s’ajouter un succulent dessert à base de sève d’arbre fruitier.
Sabin avait tenu à ce que sa sœur lui parle de la région, de sa maison et de tout le reste. Ils se remémorèrent les souvenirs du passé avant que chacun, n’aille faire sa vie de son côté et il promettait à Théoduline, de l’entretenir à propos de « l’affaire » dans l’après-midi, seul à seul.

Le repas fini, le frère et la sœur Lambronnn sortirent de la maison se dégourdirent les jambes. Hans le balai s’apprêtait à faire un petit nettoyage rapide, il le savait, pendant ce séjour, il serait beaucoup plus sollicité qu’à l’accoutumée. Gligline, Sanitata, Loumilette et Flafla avaient commençé leur sieste ainsi que les deux salamandres qui ronflaient déjà depuis une bonne heure, entre deux bûches de bois. Toute la maison était redevenue parfaitement calme et paisible.
Sabin et Théoduline s’engouffrèrent dans la forêt par un chemin de sable blanc et s’assirent, au bout d’une demi-heure de marche, sur un des bancs suspendus d’un vieux platane d’Orient.
Celui-ci relié à une corde jusqu’au tronc, se mit à se soulever à travers le feuillage une fois que les deux promeneurs s’y installèrent.
Et c’est à dix mètres du sol, les pieds dans le vide que Sabin se confia enfin à sa sœur.

_ Chère sœur, j’aimerais en premier lieu te remercier pour cet accueil si chaleureux et ta grande hospitalité qui ont dépassé de loin mes espérances. Je savais que je pouvais compter sur toi, car après tout, nous sommes notre seule famille, même si j’ai vu, combien tu étais heureuse avec tes amis, ce qu’ils représentaient pour toi et pour rien au monde je ne voudrais t’enlever ça, déclara Sabin.
_ Je t’écoute mon frère, ajouta madame Lambronnn.
_ Comme je te l’ai écrit dans ma lettre, ce voyage n’a rien d’ordinaire et il serait bon pour moi comme pour mes affaires de te mettre au parfum sur-le-champ. Crois bien que ce soit tout à ton avantage car autrement, je n’aurais pas fait aussi vite pour venir jusqu’ici.
_ Qui y a t-il Sabin, j’avoue m’inquiéter assez rapidement, parle je suis toute ouïe.
_ Alors tends bien tes oreilles Théoduline, je t’explique. Voilà je suis artisan chaisier depuis maintenant quinze longues années et ma dernière spécialité qui je dois dire, a considérablement contribué à me rendre célèbre, repose sur le fameux fauteuil contrebasse. Celui-ci dispose de particularités sonores et de conforts extrêmement relaxants, de plus, il est confectionné dans un bois rare et précieux dont moi seul, détient le secret de fabrication.
Mais ce n’est pas tout, il y a une quinzaine de jours, je reçois en personne la visite de notre bon roi Cordarico qui souhaite s’acquérir de 127 de ces fauteuils contrebasse pour le mariage de sa fille. Or, et voilà le sujet auquel je craignais un jour devoir parler à quelqu’un, j’apprends de mon docteur que je suis atteint d’une maladie aussi rare que mon bois et qu’il me reste très peu de temps, aussi je venais dans l’espoir et en désirant que tu acceptes, te confier le soin de gérer mon entreprise et ainsi de satisfaire la demande du roi, expliqua Sabin, la main sur celle de sa sœur.

Madame Lambronnn resta abasourdie et regarda son frère sans prononcer la moindre syllabe puis fonda dans ses bras. La décision n’était pas encore prise et il lui fallait plus de temps pour s’en remettre mais surtout, de bons conseils qu’elle trouverait auprès de maître Uobih.
_ Mon frère, mon cher frère, dit-elle enfin.

2 Comments:

  1. Mireille Noël a écrit...
    Cette nouvelle est un pur délice. Ce monde imaginaire est rempli de rhytme, de trouvailles, de tendresse et de suspense.

    L'histoire des Lambronnn et de ce fabuleux fauteuil contrebasse est palpitante!

    Merci!
    eipho a écrit...
    Merci Mireille,

    Une petite suite à cette histoire a été écrite dans:
    "Le scrabble aux plantes"

Poster un commentaire